Abdelhakim Hamdane Publié dans Le matin le 25 - 01 - 2008
Histoires de cambriolages
Vraisemblablement, l'union ne fait pas toujours la force. Notamment lorsqu'il s'agit d'union dans des affaires aux perspectives pas très claires. Tariq et Yassine pourraient bien illustrer cette hypothèse.
Le premier avait pour habitude d'opérer seul, tandis que le second accomplissait son «boulot» escorté de sa bande, composée d'une dizaine de personnes. Tariq, d'une part, et la bande à Yassine de l'autre, ont plusieurs points en commun, dont le fait d'être jalousement surveillés par la police casablancaise et, point important, le cambriolage comme gagne-pain. Pour en revenir à leurs différences, celles-ci englobent également un point précis : le solitaire s'en prenait aux appartements, alors que les « associés » ciblaient les entreprises. On pourrait également souligner que leurs horaires de travail étaient sujets à bien des dissimilitudes, vu que le premier agissait l'après-midi et que la bande ne passait à l'action qu'une fois minuit passé.
Et pour en revenir à l'union, qui ne ferait pas forcément la force dans certains cas, Tariq, à lui seul, a réussi l'exploit de visiter plus d'une vingtaine d'appartements avant de tomber dans les filets de la police, une «faute professionnelle» ayant mis fin à sa carrière. Yassine et sa bande, quant à eux, ont travaillé dur pour cumuler une vingtaine de cambriolages. Chose qui relève de l'impressionnant, certes, mais disons que le tableau de chasse de Tariq, qui agit en solo, reste largement plus étoffé.
Travaillant seul, il s'invitait dans des appartements dont les propriétaires étaient ailleurs, qui au travail, qui en voyage, qui
quelque part. Son modus operandi ressemblant à celui de ses confrères, Tariq était difficile à identifier parmi tant de confrères. Pour un cambriolage donné, il pouvait bien s'agir de lui, tout comme il se pouvait que ce soit le fait d'autres malfrats, forçant les domiciles d'autrui et se servant sans gêne particulière.
Risqué, l'horaire selon lequel il accomplissait ses actes lui offrait toutefois une certaine couverture. En effet, il avait tendance à choisir des immeubles où cohabitaient aussi bien des particuliers que des entreprises. Tout le monde le sait, là où il y a entreprise, il y a beaucoup de monde qui franchit le pas de la porte, dans les deux sens, entre clients, coursiers et simples visiteurs. C'était, en fait, le créneau choisi par Tariq.
Bien vêtu, un attaché-case dans une main, il ne suscitait aucunement la méfiance et passait allégrement, aux yeux des vigiles qui peuplent de plus en plus ce genre d'édifices, pour quelqu'un dans le plein exercice de ses fonctions.
C'est d'ailleurs bien ce qu'il était, sauf que ces dernières
restaient à définir. Une fois à l'abri des regards indiscrets, il se livrait à un exercice tout simple : activer la sonnette des appartements où vivaient des particuliers, et non celles portant une plaque avec mention de la société X faisant dans le produit Y. L'astuce portait souvent ses fruits, car, soit on ouvrait la porte et Tariq prétendait s'être trompé d'étage, puis s'excusait et se retirait.
Dans le cas contraire, il insistait, de sorte à réveiller les occupants, au cas où ceux-ci auraient été en train de piquer un petit somme. Pas de réponse ? C'était bon signe pour notre ami. L'appartement était donc inoccupé et il pouvait passer à l'action.
De son attaché-case, censé contenir des documents, ou un ordinateur portable, Tariq sortait son outil principal de travail : un pied-de-biche. A l'aide de cet outil figurant parmi les affaires des apprentis cambrioleurs, les portes cédaient sans opposer la moindre résistance. Puis la caverne d'Ali Tariq ouvrait ses portes, offrant tout ce qu'elle avait à offrir. Les affaires marchaient bien, Tariq ayant même pu faire l'acquisition d'un appartement, moyennant, tout de même, un peu plus de 500.000 DH. Lors de son arrestation, Tariq disposait d'un compte bancaire qui affichait fièrement six chiffres, soit plus de 120.000 DH, en plus d'un butin impressionnant, essentiellement composé de bijoux et de divers accessoires, légers mais coûteux. Voilà, cela fait une affaire close
Comment ? La faute professionnelle ? Ah oui ! Eh bien, tout simplement, Tariq a été identifié à travers ses empreintes digitales, suite à son dernier cambriolage, lors duquel il avait tellement d'objets à emporter qu'il en a oublié
sa fameuse mallette, sur les lieux du délit. Comme quoi, il est fortement déconseillé, pour toute entreprise pas claire, d'avoir des antécédents et d'être ainsi fiché chez les flics !
Pour sa part, Yassine avait une autre histoire à raconter à la police. Une histoire qui a suscité l'intervention de plusieurs services. Pendant une bonne période, en effet, des entreprises faisant l'objet de vol par effraction étaient délestées de toutes sortes de matériel. Du matériel à forte valeur acquise, certes. Au fil de l'enquête, les investigations policières réussiront à établir que, contrairement aux premières hypothèses, il ne s'agissait pas là de plusieurs bandes qui opéraient ça et là, mais plutôt que la nature du travail était la même et que les auteurs, selon toute logique, devraient être les mêmes.
La technologie ira même jusqu'à donner un sacré coup de main aux enquêteurs. En effet, l'enregistrement d'une caméra de surveillance sera d'un grand secours, puisqu'il servira à identifier Yassine, repris de justice également.
Appréhendé par la police, celui-ci niera tout ce qui lui est reproché. Mais il finira par passer à table et à livrer la vraie version des faits. La bande à Yassine travaillait selon une logistique établie à la base, chacun ayant un rôle à assurer, pour garantir le bon déroulement du cambriolage.
Il y avait ceux qui devaient réaliser l'effraction, en sciant toute sortes de grillages et même des barreaux, d'autres qui devaient s'occuper des échelles en cas de besoin, d'autres qui assuraient le transport du larcin
bref, la machine commençait à être bien huilée, mais avant d'atteindre sa phase optimale de fonctionnalité, il aura fallu que cet enregistrement vidéo compromettant fasse office de grain de sable. L'engrenage sera enraillé et l'histoire finira, ainsi, face à une machine à écrire dans les locaux de la police.