Jack
L’histoire que j’ai vécue est une histoire invraisemblable et difficile à croire. Moi-même qui l’ai vécue, je n’arrive pas à lui donner une explication scientifique, ou du moins une signification raisonnable et plausible. Pour certains, c’est une énigme qui ne sera jamais résolue, qu’on peut attribuer au mystère et à la malédiction qui m’entoure. Pour d’autres, je suis simplement un fou. Pour la police, je suis un malin mystificateur, un usurpateur qui a su tromper leur vigilance. Les policiers ne m’ont jamais cru et ne me croiront jamais.
On prétend qu’après avoir assassiné celle que j’aimais, j’ai mis le feu à la maison pour camoufler mon forfait. La seule et unique preuve qu’ils détiennent contre moi, est le signalement de l’incendie avant qu’il ne se produise. Mais ils ne s’expliquent pas pourquoi je n’ai pas pu empêcher cette catastrophe… ! En fait, je les comprends. Je les avais prévenus que le drame se passerait le soir même. Je n’avais pas pu donner l’heure avec exactitude. Mais j’étais sûr et certain que ma bien-aimée courait un grave danger.
Quand je suis allé au commissariat pour tout leur dire, j’ai été reçu par un agent. Au début, il m’écoutait avec grand sérieux, mais plus j’avançais dans mon histoire et plus il me regardait comme si j’étais fou. Un fou qui s’amusait à embêter la police avec de fausses histoires.
- Écoutez Monsieur. Houssine, me dit-il
- Hassan, rectifiais-je
- Hassan ou Houssine, c’est pareil. On ne rigole pas avec la police. Vous pouvez être poursuivi pour de fausses déclarations. Vous aurez une forte amende et vous pourriez même aller en prison. Alors, réfléchissez bien avant de répondre. Êtes-vous sûr de ce que vous dites ?
- Mais Monsieur l’agent, je vous dis la vérité et je vous tiens pour responsable au cas où il y aurait un crime.
- Ah ! Vous n’êtes même pas sûr qu’il y aura un crime. De mieux en mieux.
- Bien sûr qu’il n’y aura pas de crime si vous arrivez à temps.
- Oui, nous arriverons à temps, maintenant fait moi le plaisir d’aller chez - vous. Je pense que vous avez besoin de repos, me dit-il.
Visiblement, il ne m’avait pas cru, d’ailleurs moi-même, je ne comprends plus rien à cette histoire.
Tout commença un beau matin sur les bancs de la faculté des lettres. J’étais un brillant étudiant, promis à devenir un grand homme de lettres. C’est pendant un cours de français que je fis sa connaissance. Je l’avais remarqué au moment où elle franchit la porte de l’amphithéâtre. Elle n’était pas spécialement belle, mais elle avait ce qu’il fallait pour dégager un certain charme.
En discutant un peu avec elle, je découvris vite qu'elle avait la même passion que moi : en l’occurrence, l'écriture. Cet amour commun nous rapprocha très vite l'un de l'autre. Puis un beau jour, nous avions eu l'idée d'écrire ensemble un roman. Le problème, c'était que chacun avait une idée qu'il ne voulait pas abandonner. Pour ne froisser personne et après réflexion, nous avions décidé d'écrire une histoire sur un des plus grands assassins et un des plus grands mystères du dix-neuvième siècle, Jack l'éventreur.
Je savais déjà à cette époque que cette histoire changerait nos vies et nous entraînerait très loin. Mais quelque chose de cette ampleur était inimaginable. Nous avions convenu que chacun de nous écrive à sa manière un chapitre sans s’éloigner de l’histoire véridique de l’assassin, puis il le montrerait à l’autre pour qu’il donne son avis et ainsi modifier des choses qui n’iraient pas dans l’histoire.
Nous n’avions pas trouvé de difficultés à écrire cette histoire, la bibliothèque municipale nous fournissait toute sorte de documentation sur cet assassin connu à travers le monde et le temps.
Le hasard avait voulu que ce soit elle qui soit chargée de terminer l’histoire. Ce soir, elle est venue me parler d’une autre idée qui a germé dans sa tête, elle voulait ressusciter le criminel. Lui faire commettre de nouveaux crimes.
Pour ma part, je ne voyais pas d’inconvénient, mais je ne savais pas où elle voulait en venir avec cette tournure de l’histoire, alors je lui demandai de me donner plus d’explications.
Elle m’expliqua que l’idée ne venait pas d’elle, mais bel et bien de l’assassin lui-même qui a voulu être ressuscité.
Alors, là je te suis plus lui dis-je, comment veux-tu qu’on explique aux lecteurs qu’il te demande de le ressusciter dans nos écrits… ? C’est insensé ce que tu me proposes, notre histoire ne tiendra plus debout et tous nos efforts pour achever notre roman dans de bonnes conditions seraient vains.
- Mais puisque je te dis que c’est lui qui me demande de le ressusciter… ! Il l’exige, ce n’est plus une question de roman.
C’est à cet instant que j’ai remarqué la pâleur de Sarah, alors, je la prends dans mes bras et lui demande.
- Sarah qu’est-ce que tu as… ? Tu es pâle et tu trembles comme un linge, es-tu malade ?
- Non me dit-elle… ! J’ai peur.
- Peur de quoi ?
- De lui
- Qui lui ?
- Mais de Jack l'éventreur… Bon Dieu… ! Me dit-elle avec les larmes aux yeux.
Décidément je ne comprends plus rien, d’ailleurs qu’aurais-je pu comprendre, je suis perdue dans mes suppositions et mes hypothèses, c’est comme si elles se sont tout donné rendez-vous à la fois pour me tourmenter, me déraisonner, me pousser à douter de ma bien-aimée Sarah.
Non, je ne peux pas croire cette histoire époustouflante, l’impossible ne peut être possible à moins que par la force de l’imagination elle ait perdu le contrôle d’elle-même et vit cette maudite histoire inconsciemment dans sa tête. Mais, malgré tout, un doute persiste en moi et je ne peux confirmer mes soupçons.
Elle avait peut-être deviné mes pensées ou du moins elle en avait l’air alors, elle me tend le parchemin en me disant avec une voix enrouée par des larmes.
- Tu ne me crois pas hein… Avoue-le… ! Tu crois que je suis folle alors, jette un coup d’œil sur ce que tu as écrit toi-même et trouve-moi au moins une seule fois le nom de Jack l'éventreur.
Ne voulant pas l’offenser, j’ai pris le parchemin et le feuilleter et à ma grande stupéfaction, je n’avais pas trouvé le nom de Jack l'éventreur, une marge blanche occupait la place où il devait y être son nom, comme s’il avait effacé toutes traces de lui.
Stupéfait… Oui… Je l’étais… ! Mais le doute ne me quittait pas… ! Est-il logique que cela se soit produit réellement… ? Non, je ne peux l’admettre… Qui me prouve que ce n’est pas elle qui a effacé le tout pour m’induire en erreur et me faire croire à son idée. Mais, admettons que c’est vrai alors, comment avait-elle fait pour gommer le tout sans laisser les traces du gommage… ?
Et puis quel est son intérêt et dans quel but.
J’ai ruminé mes idées dans tous les sens, mais je n’ai pas trouvé d’explications plausibles à mon jugement alors, je me sentis vaincu et je me laissais choir sur le canapé.
C’est alors, que le défilement de toute l’histoire se déroula devant mes yeux. Je me rends compte que c’est trop tard, les assassinats qui ont eu lieu dernièrement sont tout relatés dans mes écrits Alors, je me demande si ce n’est pas moi qui l’aide et qui lui trace son chemin pour assassiner d’autres victimes, en quelque sorte, je suis le réalisateur tandis que lui juste un simple acteur un exécuteur.
Oui, c’est sûrement lui qu’ils ont condamné à mort et exécuté il y a si longtemps, c’est lui qui aujourd’hui renaît plus fort que jamais, grâce à mes écrits avec l’envie d’achever ses forfaits en continuant d’assassiner des femmes innocentes.
Malheur à moi... ! J’ai participé sans le vouloir à ressusciter cette créature diabolique pour accomplir des actes abominables, par mes soins, il a su déjouer la vigilance des policiers, dans mon roman, il a trouvé refuge, où nulle main ne peut l’atteindre. Et l’idée de le savoir cohabiter avec l’amour de ma vie me tourmente et me met dans un état de transe et d’infériorité absolue.
Je me sens vidé, affaiblie par cet état de choses dont je suis le créateur, moi, maître des mots, j'écrivais avec la certitude d'être utile, d'apporter un peu de sel dans le quotidien des lecteurs, me trouvant à la fin en train de contribuer à la prolongation de l'odieux assassinat en série que l'histoire n'a jamais connue d'aussi horrible.
Maintenant que je reconnais ma culpabilité que me reste-t-il à faire que lutter pour réparer ce dont j'étais l'auteur, mais, pourrais-je affronter ce fantôme qui n'existe nulle part que dans mes écrits, j'en suis le créateur celui qui a participé à sa résurrection. Alors, c'est à moi de le démolir et d'en finir une fois pour tout, encore faut-il le trouver pour l'achever.
Durant mes études, j’ai lu des histoires de démons et fantômes qui lui sont plus ou moins similaires, mais jamais entendus une histoire aussi invraisemblable comme celle que je viens de vivre. Est-il concevable qu’une personne peut-elle être ressuscitée.
_________________________________________ à suivre
Ven 22 Juil - 22:45:20
